Depuis quelques années, les controverses et vifs débats au sujet des violences sexistes et sexuelles dans les textes littéraires1 témoignent d’une interrogation éthique grandissante dans le champ littéraire français. De manière générale, les études culturelles, de genre et post-coloniales ont favorisé une (re)lecture des textes littéraires à l’aune de problématiques éthiques et sous l’angle de sujets que l’on pourrait qualifier de « sensibles » : sensibles car ils engagent des expériences subjectives liées à l’intimité et l’affectivité, sensibles parce qu’ils éveillent des questionnements politiques sur les façons de vivre ensemble, d’entrer en relation et de faire monde, sensibles enfin parce qu’ils impliquent d’interroger la sacralisation des textes et de la critique littéraires ainsi que les méthodes et pratiques de lecture et de réception des textes. La nomination et l’interprétation des discriminations et des violences dans les textes littéraires suscitent en effet des questionnements épistémologiques cruciaux puisqu’elles obligent à « réfléchir aux relations entre littérature et morale » mais aussi « aux rapports qu’entretient la littérature avec la réalité »2. À l’aune du tournant affectif et éthique des sciences humaines, il s’agit donc de penser les méthodes de l’herméneutique littéraire, en interrogeant la place de la subjectivité et de l’ethos dans l’interprétation littéraire et plus largement, les enjeux éthiques de la critique contemporaine. Il s’agit peut-être tout particulièrement de s’interroger sur le lien qu’entretiennent sujets sensibles, pratiques de lecture et réceptions empiriques : la lecture ou relecture des œuvres qui relève le racisme, le sexisme, la violence sexuelle, la violence coloniale ou encore l’agression du vivant dans ces textes littéraires tient-elle à un positionnement nouveau du sujet-lecteur ou lectrice, appartenant à une communauté interprétative davantage « sensible » à ces enjeux ? Il s’agit de se pencher également sur ce que la prise en compte de ces sujets sensibles fait à l’enseignement littéraire à tous les niveaux : les corpus, les pratiques, les dispositifs didactiques se modifient-ils face à la perception et la résonance de ces sujets sensibles ?

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